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Hugo Larouche-Trottier est conseiller pédagogique TIC au service de développement de recherche et de pédagogie du cégep de l’Outaouais. En 2024, il a fait appel au service d’accompagnement et de soutien du Pôle d’expertise interordres en formation à distance pour l’intégration de la formation à distance (FAD) dans son établissement. Il nous raconte brièvement son expérience1.
Pouvez-vous décrire le contexte dans lequel le cégep de l’Outaouais a commencé à s’intéresser à la FAD?
Le contexte n’était pas très clair… Je me souviens encore du moment où le directeur adjoint est entré dans mon bureau. Il m’a demandé ce qu’on connaissait sur la FAD, comment le cégep pouvait se positionner par rapport à ça. J’ai réalisé qu’on avait une idée assez floue des besoins par rapport à la FAD, au cégep de l’Outaouais. Elle est déjà intégrée dans les programmes de formation continue, mais on envisageait aussi d’en offrir dans les programmes réguliers. Au départ, l’intégration de la FAD faisait donc simplement partie du plan de travail général de la Commission et de la Régie des études. Je me suis donc questionné sur l’état de la situation au Québec et, connaissant le Pôle d’expertise par une expérience passée, plutôt que de partir de zéro, je me suis dit qu’il valait mieux se tourner vers les spécialistes pour me renseigner sur les bonnes pratiques. La vision s’est précisée tranquillement durant la dernière année, avec le soutien du Pôle d’expertise.
Quelle perception les membres du personnel de l’établissement ont-ils de la FAD?
C’est quasiment une caricature, mais je dirais qu’il y a trois grandes catégories. D’abord, je pense que les conseillers pédagogiques et les personnes de la formation continue, on embarque là-dedans, on voit la valeur ajoutée de la FAD, on connait les conditions que ça prend pour que ce soit pertinent aussi. On sait aussi que ce n’est pas simple à mettre en place, que ça prend de l’accompagnement. Ça prend des outils et ça ne se fait pas par magie. Ensuite, pour certaines équipes de direction, passer de la formation en présence à la formation à distance, ça paraît facile. On l’a fait pendant la pandémie, ça permet d’augmenter rapidement le nombre d’étudiants inscrits. On ouvre à des heures inhabituelles, on va chercher des clientèles plus éloignées. Parfois, c’est sursimplifié. Finalement, pour certains enseignants, la formation à distance est forcément mauvaise. Ça nuit à la relation pédagogique et aux apprentissages. Toutefois, pendant la pandémie, plusieurs enseignants ont réussi à se renouveler pédagogiquement, à trouver de nouvelles façons d’interagir avec les étudiants, pour aller chercher certaines clientèles qui, elles, étaient peut-être plus confortables à distance. La réalité de nos jeunes change. Ça fait peut-être davantage partie de leur vécu, les communications à distance, avec les réseaux sociaux par exemple.
Qu’est-ce que le cégep de l’Outaouais a à gagner en intégrant la FAD à son offre, selon vous?
L’Outaouais, c’est une grande région et on a des étudiants qui sont assez éloignés du cégep. Le temps de déplacement est un frein à la poursuite de leurs études, puisqu’il faut parfois faire une heure ou plus en voiture pour se rendre. Le cégep n’offre pas de résidences étudiantes et les logements sont très coûteux aux alentours. C’est triste qu’un jeune n’ait pas accès aux études supérieures à cause de la distance qui le sépare du cégep ou à cause de son budget. Donc, la valeur de la FAD, elle est surtout là. Il y a aussi vraiment une haute valeur ajoutée à la formation asynchrone parce que l’étudiant peut réécouter les cours à son rythme, étudier le soir, la fin de semaine. Ça va chercher une clientèle différente. La FAD se prête très bien à certains types de contenus. Par exemple, comme professionnel, on fait la majorité de notre perfectionnement à distance.
Après, structurellement, il y a des éléments à mettre en place pour répondre à plusieurs enjeux complexes, au cégep de l’Outaouais comme dans tous les autres cégeps du Québec. Par exemple, quand il faut faire approuver des programmes par la Commission des études et que ces programmes comportent un volet FAD, il y a souvent une réticence de la part des enseignants. Le contexte de la pandémie a beaucoup contribué à cristalliser une vision négative de la FAD parce que certains enseignants ont eu de la difficulté à maintenir une bonne relation pédagogique avec leurs étudiants durant cette période. Là-dessus, l’accompagnement du Pôle d’expertise devait nous permettre d’obtenir plus facilement un sceau d’approbation de la part des enseignants, puisque ce qui est proposé par le Pôle d’expertise a été réfléchi et repose sur une véritable expertise en FAD.
Comment le processus d’accompagnement du Pôle d’expertise s’est-il déroulé?
On a fait une première rencontre avec la Régie des études pour que le Pôle d’expertise présente les bonnes pratiques en FAD, pour parler entre nous des opportunités, des menaces et des différentes parties prenantes qui devraient exercer des responsabilités dans la mise en place de la FAD au cégep. On avait aussi des gens de la formation continue avec nous. Ensuite, on a tenu une rencontre en comité plus restreint, avec la directrice adjointe du service pédagogique, deux conseillères pédagogiques de la formation continue et moi. On a avancé un petit peu avec ça, surtout en explorant le Parcours FAD, pour voir comment on pourrait s’en servir pour former les enseignants.
On avait deux types d’accompagnement possibles, un pour l’équipe de direction, puis un pour les conseillers pédagogiques, surtout ceux de la formation continue. On voulait, d’une part, structurer la gouvernance, et d’autre part, améliorer les pratiques enseignantes. Le Pôle d’expertise, c’était aussi comme un carrefour des expertises d’ailleurs dans le réseau, pour apprendre ce qui se faisait dans les autres établissements. C’était plus facile d’aller à un seul endroit, retrouver toute l’information dont on avait besoin, que d’aller butiner un petit peu partout.
La réflexion menée à ce jour a-t-elle influencé la posture de l’établissement vis-à-vis de la FAD? De quelle manière?
Le nouveau plan de la régie des études présente une vision beaucoup plus circonscrite de la FAD. L’objectif sera surtout d’accompagner et de développer les bonnes pratiques avec le personnel enseignant de la formation continue. Tout le volet FAD au régulier a été mis de côté. Ça reste très pertinent, parce que la formation continue offre déjà des cours à distance. Maintenant, la vision de la FAD est beaucoup plus claire, elle est beaucoup mieux alignée. Si on a de beaux succès avec la FAD en formation continue, ça va être une belle façon de montrer que les cours à distance, ça peut être une expérience positive.
Quelles seraient, selon vous, les conditions nécessaires pour que l’implantation de la formation à distance soit bien accueillie par les personnes concernées?
Dans tout changement, il faut que le pourquoi soit clair, que les gens comprennent pourquoi ça vaut la peine de faire cet effort-là. Si notre proposition n’est ni engageante ni importante à leurs yeux, on va assister à une levée de boucliers de la part des enseignants. Notre réflexion ne s’est pas encore rendue dans les consultations avec les enseignants au régulier et c’est tant mieux, parce que tant et aussi longtemps que la vision n’est pas claire, ça reste dangereux de pousser les enseignants vers la FAD. On risque de se buter à des réticences si on n’a rien de solide à leur proposer.
Quelles leçons peut-on tirer de l’expérience d’accompagnement vécue avec le Pôle d’expertise jusqu’ici et quelles en sont les prochaines étapes?
Le personnel enseignant de la formation continue va s’engager dans le Parcours FAD, ce qui sera vraiment utile. Si on n’avait pas eu toute la période d’accompagnement préliminaire avec le Pôle d’expertise, probablement qu’on aurait été plus vite en Commission des études, plus vite avec le comité des relations de travail, plus vite avec les enseignants. Peut-être que ça aurait juste donné lieu à une levée de boucliers et qu’on aurait abandonné le projet. Avec le Pôle d’expertise, on a eu l’occasion de réorganiser nos priorités. On va pouvoir se lancer dans le projet de façon organisée, structurée, avec des objectifs clairs. C’est ça que je trouve beau, parce que j’avais besoin que le message soit porté par d’autres personnes que moi. Les deux conseillères pédagogiques qui nous accompagnaient ont mis l’accent sur l’importance d’accorder du temps à l’organisation. Quand une tierce personne qui a une expertise reconnue le mentionne, ça donne de la crédibilité au message. Je trouvais ça rassurant de passer par l’accompagnement du Pôle d’expertise pour être au courant des meilleures pratiques et partir sur de bonnes bases.
1Les propos de la personne interviewée ont été édités pour des raisons de clarté et de concision, sans en altérer le sens ni le contenu.